unboutdemoncerveau

Insane in the mem-brain.

Mois : octobre, 2012

Dormir comme un tas

Parfois, on a des réveils difficiles. On ouvre un œil, on mesure la clarté de l’aube, on a peine à y croire… mais si, c’est bien l’heure. Et un désir nous traverse en cet instant précis, cher désir qui devient parfois le leitmotiv de la journée : retourner dans son lit, au plus vite. Les hostilités commencent, l’extérieur nous happe ; il faut aller travailler, il faut aller étudier, il faut aller (n’importe quel verbe à l’infinitif). On utilise étrangement souvent le verbe « falloir » dans nos vies. On rentre le soir et on se précipite dans le repos ou dans le divertissement. Si, par bonheur, l’extérieur a permis que nous rentrions plus tôt, même régime, lit chéri retrouvé. J’entends souvent des personnes me dire, et je m’associe à leurs impressions, que quand ils étaient enfants, ils détestaient dormir, car ils avaient des choses bien plus intéressantes à faire. Maintenant qu’ils sont adultes, ils n’ont jamais autant adoré l’heure du sommeil. Un changement de taille s’est opéré… Adulte, c’est physique : je récupère ma force de travail. La situation que je viens de décrire est volontairement caricaturée : elle se veut plutôt l’idéal-type d’un vécu que nous avons tous-tes connu plus ou moins, ou pas, ou peu, ou beaucoup. Le réveil, c’est comme un avion qui s’écrase (et c’est moi l’avion).

« Si l’Etat finance un système de sécurité sociale, c’est parce que, forcément, une personne en bonne santé travaille mieux »

Ce désir ardent de retrouver le lieu du repos, parfois l’unique désir quotidien, me paraît étrange. Il y a, de plus, quelque chose d’assez morbide dans cette volonté : j’ai envie de m’étendre là, de ne plus bouger, de fermer les yeux et de pénétrer d’autres univers. Mais qu’a-t-elle de si immonde, cette existence, pour donner envie à tout le monde de se réfugier chez soi, dans un endroit qu’on appelle « foyer » tant il réchauffe le cœur et protège de l’extérieur ? Quand on travaille tous les jours, huit heures par jour (et souvent plus), avec pour seul repos le dimanche, le corps s’épuise. Et le poids de l’obligation et de la privation exténue plus encore… Que reste-t-il à faire, une fois que toute énergie a été absorbée, que reste-t-il, à part dormir et manger, qui sont les seuls moyens efficaces et connus de nos jours pour se retaper, reprendre des forces ? Un rhume passager inquiète et se fait traiter comme une maladie, qu’en est-il de cette fatigue chronique que la majorité des personnes subit ? Elle a été intériorisée, apparaît comme « normale » ; « être fatigué-e », c’est banal puisque c’est le lot de tout le monde.

Temps et intérêt. Pouvoir aimer son activité, donc pouvoir la choisir, allégerait déjà beaucoup la charge. Travailler moins, et vraiment beaucoup moins, aussi. Il faudrait juste répondre aux besoins d’une société durable. Mais la nôtre est capitaliste et a donc un besoin de production infini. Voilà pourquoi nous sommes progressivement amené-es à travailler plus, et ça n’ira guère en s’arrangeant.

L’État dit soutenir la culture, dit faire des efforts de gratuité de tous côtés. Si les fonctions vitales sont incessamment usées, elles demandent le repos, si tant est qu’on considère que la culture dominante, imposée d’en haut, fasse appel à la réflexion et à la participation. Tous les individus ont la capacité de lire un essai de philo, un ouvrage de littérature quelconque, de voir une exposition, de peindre ou de créer. Mais qui, pour lire un essai de philo, un ouvrage de littérature quelconque, pour voir une expo, ou peindre, ou créer, après une journée entière à travailler, et des semaines à plein-temps à supporter ? Tout est évidemment question d’envie et d’affinités. Mais dans une société capitaliste, on ne fait pas ce qu’on veut, étant engagé-es dans une bataille pour la survie. Heureusement pour nous, nous avons les romans de gare, les best-seller, les philosophes du devant de la scène, l’industrie du cinéma, le petit écran… Les activités ne devraient être que créatrices, c’est là que l’être humain sait faire, c’est là ce qui le rend heureux. La majorité des emplois que nous occupons sont des fonctions subalternes et imbriquées dans des hiérarchies ; on doit obéir, et les marges de manœuvre et de décision sont plus ou moins larges, mais toujours contraintes, encadrées. Voilà pourquoi nous voulons tant retourner dans notre chez-soi (si on en a un).

Travail forcé.

« Alors, comme ça, t’es communiste ? »

Histoire d’une étiquette

« Je suis communiste », « Je suis anarchiste »… Toutes subversives que puissent paraître ces façons de se présenter, nous sommes en présence d’étiquettes. Vous savez, toutes ces petites boîtes qu’on imagine, où

« Le but de l’homme moderne sur cette terre est à l’évidence de s’agiter sans réfléchir dans tous les sens, afin de pouvoir dire fièrement, à l’heure de sa mort : « Je n’ai pas perdu mon temps » Pierre Desproges

s’entassent des gens-tes en fonction de ce qu’ils sont, ces fameuses cases dont on parle si souvent avec défiance, peut-être ces moules dans lesquels on ne veut pas rentrer… Je parle ici de façons de se présenter, oralement et en public, pas de réflexions intérieures ni de profondes convictions, que je ne veux nullement remettre en cause chez les personnes qui les vivent. Je parle de phrases affirmées avec certitude. Et je me méfie des certitudes, plus précisément, je les questionne, je les mets en doute, pour savoir, justement, si elles peuvent avoir ce statut de certitude. On avait la certitude que la Terre était plate, il fut un temps. On avait la certitude qu’avorter, c’était tuer la vie et que donc c’était mal, il n’y a pas si longtemps (et même maintenant). Une étiquette, c’est toujours très clair pour nous, on sait ce qu’on y met puisque c’est ainsi que l’on se définit. Mais pour les personnes autour, ça ne peut pas être aussi limpide. Car, dans cette distribution générale d’étiquettes, au sein de notre société, se déclinent autant de représentations que de personnes. Nous associons des idées différentes à ce que nous entendons, à cette étiquette. Et dit à la va-vite, la personne en face a tôt fait de vous avoir situé dans sa tête, sans pour autant vous avoir défini-e même s’il arrive souvent que cela se produise, et d’aborder une autre posture de discussion. On ne peut se passer d’expliquer ce qui se cache derrière les mots et idées que nous émettons, si l’on souhaite que la personne sache à peu près qui on est. Je n’ai pas envie que mes interlocuteurs me collent un truc qui ne se rapprochera pas même un peu de ce que je suis.

Et puis, ça pose la question de l’identité et de l’identification. Est-ce que je sais qui je suis ? Est-ce que je ne suis qu’une seule chose, même en politique et en visions du monde ? Si je sais si bien ce que je suis, quel besoin ai-je de l’affirmer avec autant de certitude, comme pour me placer sur un point et n’en plus bouger, jamais ? J’ai l’impression que, dans cette société, tout le monde a besoin d’être quelque chose, absolument, à tout prix, et que dans cette course vaine vers une identité unifiée, on n’arrive qu’à paraître.

« Docteur, l’autre jour, on m’a dit que j’étais folle. Est-ce que c’est vraiment vrai ? Qui vous êtes pour décider de qui est sain-e et de qui est fou-lle, de ce qu’est la rationalité, pour faire une dichotomie entre les gens et d’écarter une partie de tout espoir de légitimité sociale ? »

Ces mouvements compulsifs d’identification me font peur, en réalité, car ils me rappellent toujours cette façon que certain-es ont d’affirmer qu’ils-elles sont d’une nationalité ou d’une région en particulier, etc. On s’est clairement défini donc on n’a plus de questionnements existentiels pénibles, on apprécie la compagnie de gen-tes qui ont la (plus ou moins) même définition que nous, on s’organise ensemble, et on finit par se méfier du différent. Souvent, ça dérive, et on finit par haïr le différent. Je crois que la comparaison de ce que je décris avec le nationalisme s’arrête une ou deux phrases plus tôt, je vous rassure. C’est la recherche de la mêmeté.

Attention : je suis loin de faire l’apologie du retournement de veste obsessionnel ou du « je n’ai pas d’opinion ». Un jour, on parlait avec une copine, et elle m’a dit : « On a beau être X ou Y qui a 21 ans, on est quand même X ou Y quand on avait 2 ans, X ou Y quand on avait 16 ans, etc. etc. ». On n’est pas une frise avec des phases qui se succèdent, ou des strates qui s’accumulent (quoique la dernière image serait pertinente). Ce qui me fait revenir au titre de cet article, cette question, cette interrogation, qu’on a pu me pose cinquante fois en soirée, en assemblée, en société. Et à toutes ces personnes qui me l’ont posée d’un air taquin/moqueur/étonné/révulsé/offusqué, je réponds : c’est vous qui le dites. Je ne suis pas ceci ou cela, point barre. J’ai des valeurs, des idées, mais j’ai surtout envie de discuter de tout ça, parce que si tout ça m’importe, c’est parce que j’ai envie de faire évoluer ce monde, mais je ne le ferai pas seule, dans ma case, avec mon étiquette sur le front. Et surtout, je ne suis pas ce que ces gen-tes mettent derrière ce mot. En général, quand une personne me dit « je suis… », je suis déçue à la fin. C’est inéluctable : j’ai moi-même une représentation, une définition de cette identité qui est avancée, et il m’est très difficile, en tant qu’être humain, de m’en détacher. J’essaye, et d’ailleurs, je continue de discuter avec elles et d’aimer ces personnes si affinités. Je ne veux pas décevoir les gens, quand même.

Après, vous pouvez me répondre : « Mais ça va, les gens-tes, ils font et pensent ce qu’ils-elles veulent ! ». Ben, moi aussi.

Et si vous me dites, « je suis de droite »… ?

Que pensez-vous de notre presse ?

Du 2 au 4 octobre, Poitiers a vécu au rythme du journalisme. Comme chaque année, la profession s’est réunie dans le cadre des 5ème Assises du Journalisme et s’est mise en débat. Si l’événement se présente comme un lieu de réflexion autour des grandes problématiques de la presse en général, cela reste un moment journalistico-centré, où l’on discute entre nous. Pour qui les journalistes travaillent-ils ? Pour des lecteurs, des personnes, des citoyens, des individus, qui lisent, écoutent, regardent et veulent s’informer sur les sujets auxquels ils n’ont pas directement et géographiquement accès. Mais les journalistes travaillent aussi pour des entreprises de presse, comme on se délecte à les appeler, pour des groupes, des concentrations financières. Un petit retour de la population sur les journalistes n’aurait-il pas sa place dans le débat ? Pour une fois, demandons l’avis des lecteurs.

Propos recueillis lors du rassemblement antifasciste en soutien à Andrés, le 13 octobre 2012.

Groreportage

Quelle(s) couleur(s) prend Toulouse lorsqu’elle se met à l’heure grolandaise pour la durée d’un week-end ? Résolument celles de l’humour, du punk et de l’insouciance, tout ça en toute impunité place Saint-Sernin. Des milliers de personnes étaient venues acclamer le Président et ses groupes folkloriques… Il nous a même fait l’honneur de chanter !

Avec la voix suave de Romain Pomiam-Bonnemaison.